
Hier soir, c’était la première mondiale du film Maurice de Serge Giguère, un documentaire filmé sur 36 ans qui retrace la carrière immense du joueur de hockey Maurice Richard – le Rocket. C’était à la soirée de clôture du festival de films québécois des Rendez-Vous Québec Cinéma, et on est (re)tombés foux amoureux.
La légende: Maurice « Rocket » Richard (1921-2000)
On sait tous qui est Maurice Richard, au moins comme un héros du hockey montréalais, au moins comme on connaît Elvis Presley -d’ailleurs, c’est la première chose qui m’est venue à l’esprit quand le film a commencé. On dirait Elvis.
Pas le Elvis des films, le Elvis décrit dans les interviews et dans les livres. Celui qui était dédié à son art, qui ne pensait qu’à ça, qui avait l’aura de star surnaturelle d’un héros de légende. Je me suis dit; Maurice Richard, c’est le Elvis du hockey. D’ailleurs, les fans l’appelaient par son prénom, comme Elvis, et dans le film les enfants le suivent partout, le tutoient. C’est leur héros mais c’est aussi, dans l’imaginaire collectif, un d’eux-autres.
Peut être que c’est parce qu’il a grandi dans un des quartiers ouvriers de Montréal, le Nouveau-Bordeaux. Maintenant, c’est Ahuntsic-Cartierville. Peut être que c’est parce qu’il a appris à jouer au hockey dans la rue, avec ses voisins, et que c’est un souvenir d’enfance partagé par beaucoup de québécois et de montréalais.
Peut être que c’est parce qu’il a été le premier à scorer 50 goals en une saison, et qu’il a gagné 4 fois de suite la Coupe Stanley en tant que capitaine des Canadiens entre 1956 et 1960. Dans le documentaire, son aura d’icône populaire est atribuée au fait qu’il n’était ni le plus gros, ni le plus fort, ni le plus rapide -mais qu’il était celui qui avait le plus envie de gagner.
Le portrait n’est pas dessiné par des sportifs où des pros du hockey, et Maurice lui-même en rit gentiment avec les cinéastes Serge Giguère et Robert Tremblay (qui est malheureusement décédé en 2018 et qui apparaît dans le film en tant que premier réalisateur de ce projet qui a pris presque 40 ans). Parce que Maurice est généreux, avec tout le monde, et il a l’air de savoir à quel point il rend les gens heureux, juste en apparaissant. C’est le portrait, d’un charisme absolu, d’un homme de légende. On le voit pêcher avec des enfants, rire, pleurer, toujours habillé aux couleurs du Canadien et, parfois, avec une chemise style hawaïenne décorée avec des images de son propre visage. Iconic.
Les images des funérailles nationales pour Maurice, en 2000, montrent des centaines -des milliers- de gens s’arrêtant devant son cercueil ouvert. On dirait qu’il dort. On a du mal à croire qu’il était possible pour lui de mourir.
Maurice, Montréal et le Canada Français
Le tournage du film a commencé en février 1980, au Forum. L’aréna mythique du hockey à Montréal a fermé en 1996 et, selon à qui on demande, Maurice Richard y a reçu une ovation qui a duré entre 6 et 17 minutes. Il était en larmes -et une icône qui pleure devient presque un symbole religieux.
Le Forum, dont le bâtiment existe toujours, est un temple du hockey. C’est là où les Canadiens ont remporté 22 fois la Coupe Stanley. Dans le film, on voit des femmes en manteaux de fourrure et des hommes avec des chapeaux et des gants en daim applaudir comme des fous après un goal ou une victoire, puis au fur et à mesure que la légende de Maurice Richard grandit, des hommes en bras de chemise, des enfants habillés en t-shirts néons, mais avec toujours la même énergie.
Après sa fermeture en 1996, le Forum est devenu un Cineplex, mais c’est encore un lieu de pélerinage pour les fans de hockey et pour les fans du Canadiens, et il reste quelques sièges de la salle mythique à aller voir, pour la nostalgie et un petit bout de l’histoire glorieuse des Canadiens de Montréal -on attend le retour de la Coupe Stanley à Montréal depuis 1993…
Maurice Richard est aussi l’un des premiers canadiens-français à atteindre le plus haut niveau du sport, et dans le film de Giguère il est clair qu’il a été une inspiration, une béquille pour s’aider à continuer, une carte de hockey qu’on garde dans la poche, un poster au-dessus de son lit pour se rappeler que Maurice y est arrivé et qu’il est devenu un surhomme, un héros, le Rocket -pour les canadiens-français de l’époque, et pas que pour les sportifs.
Quand la soirée de clôture est finie et que le public, moi y compris, est joyeusement confit dans la nostalgie du héros montréalais, je rentre à pied et je passe à côté du Centre Bell. Les Canadiens viennent de gagner 4-3 contre les Sharks de San Jose, et tout la rue est remplie de supporters qui vont rentrer à la maison. J’ai de la chance, je porte des gants rouges et une écharpe bleue -les couleurs du Canadien- et je me fonds dans la foule.
J’ai l’impression d’être à nouveau dans le film de Serge Giguère; les enfants qui ont les yeux gros comme des billes après avoir vu la game et la victoire de leur équipe, les hommes d’un certain âge qui marchent lentement et avec la satisfaction concentrée de joueurs qui pensent à la Coupe, les familles en runners qui débriefent le match en parlant les uns par-dessus les autres, peu soucieux de glisser dans la neige mouillée qui se transforme en patinoire avec le mercure qui chute. C’est la même joie, le même dénominateur universel du sport, qui unit les montréalais et les supporters des Canadiens de Montréal. C’est ça que le Rocket représente.
Une personne sur deux porte un chandail des Canadiens et, au fur et à mesure que les spectateurs s’engouffrent dans le métro ou marchent rapidement jusqu’à leur voiture stationnée dans un des parkings extérieurs pas loin du Centre Bell, je vois au dos des chandails le 13 de Caufield, le 20 de Slafkovsky, le 31 de Price et, finalement, le 9 de Maurice Richard.
Le film Maurice sortira le 7 Mars en salles au Québec.