
C’est la 17ème édition du festival artistique Art Souterrain, qui orne tous les ans les longs couloirs vides des espaces liminaux des tunnels -apparemment sans fin- sous la ville de Montréal.
Pour cette édition, le thème Habitat Souterrain, et les oeuvres des 30 artistes exposés explorent le concept d’habitat et d’habitation; l’espace de vie, l’intimité, la vie en société et plus ou moins en accord avec l’environnement. Ça fait l’effet d’un catalogue, d’un scrapbook presque documentaire, de la vie quotidienne…
Le festival se déroulera entre le 15 Mars à 18h -qui sera la soirée de lancement- et le 6 Avril, et est complètement gratuite.
Montréal, l’habitat et l’espace entre les deux
Le festival Art Souterrain et l’édition de cette année est supportée par la Ville de Montréal et pas son comité exécutif responsable de la culture, de la gastronomie et de la vie nocturne et Marie Plourde prend la parole pour réaffirmer son soutien à l’accessibilité de l’art -qui sera, pendant Habitat Souterrain, affiché dans les tunnels et les espaces entre les grandes tours du quartier Ville-Marie: le World Trade Center (où on commence la visite), le Palais des Congrès, l’édifice Jacques-Parizeau, l’OACI, et la Place Ville-Marie.
Les commissaires de l’exposition, Eric Milette et Geneviève Thibault, ont chacun leur conception de l’habitat et ont amené dans ce festival des artistes qui explorent les thèmes qu’ils y associent.
Pour Eric Milette, qui est habillé de façon presque identique au réalisateur du rêve et de la transcendance David Lynch, on s’approprie (ou pas) un lieu pour y habiter, on y vit son intimité, on y store nos mémoires et on y loge notre coeur. Il parle aussi du matériel, de l’immatériel et de l’espace entre les deux que peut être l’habitat.
Geneviève Thibault parle de l’habitat comme « à la fois le lieu qu’on habite et le lieu qui nous habite », et comme d’un espace qui peut être « le corps, la maison, la planète, l’univers »…
Les oeuvres sont exposées dans des espaces de transition, de rien où les gens marchent (pour aller d’un point A à un point B) et s’arrêtent rarement. Avec des lumières blanches, de la moquette grise au sol, un écho du métro qui passe pas loin, et parfois un rayon du soleil extérieur qui permet de savoir l’heure qu’il est. C’est un espace liminal où les oeuvres sont comme dans un musée qui apparaît au milieu de nulle part; une bouffée d’air frais, qui catalogue la vie humaine -à apprécier, à étudier, et en s’arrêtant dans ces tunnels et ces grands halls on a l’impression de découvrir un espace nouveau.
Le programme
Le festival va durer trois semaines et en plus des oeuvres visibles dans la ville sous-terraine, il y aura des performances (dont deux très attendues ce weekend), des conversations avec des artistes émergents et avec les curateurs les mardis et une table ronde au Musée McCord avec Architectes Sans Frontières Québec sur le thème « Habiter l’espace, façonner la comunauté ».
Le programme complet du festival est visible en ligne ici!
On pourra aussi voir des oeuvres au-dessus de la terre (après avoir fait la première partie de l’expo en-dessous) au Centre Canadien d’Architecture, au MAC à l’expo architecturale-futuriste Les Gratte-Ciels par la Racine, au Musée des Beaux-Arts de Montréal et dans une douzaine de galleries de la ville. On vous recommande aussi de lever les yeux quand vous vous baladerez dans Montréal, parce que l’architecture scrapbooking du centre est, en elle-même, un catalogue de la vie moderne depuis l’arrivée des colons sur l’île.
Un catalogue de la vie moderne à travers l’habitat
On suit Eric et Geneviève, et le directeur général d’Art Souterrain Frédéric Loury qui nous emmènent plus bas, sous le World Trade Center, le long des corridors sur les murs desquels les oeuvres sont exposées, mises en valeur avec sophistication dans les tunnels qui, sinon, sont plutôt sombres et transitionnels.
Beaucoup des artistes exposent des photographies, et on ne va pas vous gâcher le plaisir de tout découvrir, mais c’est l’artiste Jeanne Castonguay-Carrière, à Montréal pour l’ouverture du festival, qui dit en premier que sa série de photos Maison de Paille (2021-2024) est comme un « carnet », un « journal photographique ». Ses photos, snapshots de la jeune génération (ses enfants) en conversation avec la nature -aussi celle de l’enfance de Jeanne- ont le goût d’une nostalgie, d’une anxiété et d’une jeunesse documentée avec soin et avec le bonheur absolu qui vient avec la création d’art autour du quotidien.
Elle n’est pas la seule artiste du festival à présenter une oeuvre qui ressemble à un catalogue amoureux du quotidien. Samuel Saint-Aubin documente les poussières entre les lattes de son plancher, Eric Tschaeppeler présente des intérieurs de maisons et d’appartements de gens sans enfants, Céline Lecomte a pris en photo tous les espaces faux-naturels qu’elle a croisés sur son chemin, Éloi Perreault photographie tous les coins de Matane pour les rendres immortels…
Il y a plein d’autres artistes à découvrir, et plein de coins inexplorés du Montréal souterrain où se balader… On vous invite à aller les voir le plus vite possible, et si vous pouvez pendant une des visites guidées proposées pas Art Souterrain!
Bon festival!